Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Mercredi 25 août, les cadors du Sarkoland opéraient leur rentrée sur le perron de l’Elysée, bronzés, blasés, blindés, les fesses serrées néanmoins puisqu’approche la valse à mille temps d’un remaniement de saison. A ses redevables ministres, Sarko demanda ce jour-là du « courage » et du « calme », ainsi que « du travail et de la détermination. » En manquaient-ils, ces derniers temps ? A notre grand regret on ne peut qu’en douter, vu comment s’ébrouèrent ces clebs en cet horripilant été. Chien d’entre les chiens, chef de meute, le ministre de l’intérieur n’a pas, un jour, lâché son os : si le poil est terne et l’œil torve, le clébard exerça cependant ses mâchoires sur quelques mollets, bien choisis : oui, les « évacuations » (euphémisme de l’Intérieur) de campements roms vont se poursuivre, vont même s’accentuer, étant bien entendu que « l’aspiration des Français est simple : on n’occupe pas un terrain, un immeuble, une maison de manière illicite. » D’aucuns pensaient, piteux naïfs, que les Français aspiraient surtout à des revenus décents, à un mieux-vivre, à, rêvons un brin, un peu de plaisir et de joie. Que nenni, mon colon : le Français tel qu’en rêve Hortefeux-follet n’est jamais qu’un SuperDupont testostéroné à outrance privilégiant, à l’exclusion de toute autre considération, le Culte de la Propriété.
Ce Français-là, au lait cru non pasteurisé, avale sans broncher l’annonce des 138% de « hausse de la délinquance roumaine sur Paris l’année dernière » et autre chiffres débilitants dont nous gavent le Brice. 138 % de quoi ? 138 %, sur quelles bases? 138 % de rien. Par ailleurs, une fois qu’on aura re-re-re-répété que Rom n’est pas synonyme de Roumain, en cette période de rentrée scolaire on se permettra de soumettre ce petit exercice au ministre Hortefeux-nouille, qui semble affectionner les chiffres : 8030 Roms expulsés depuis le premier janvier, sur un total de 15 000 présents dans le pays. Combien en reste-t-il à rafler? 8030 Roms expulsés, pour 30 000 expulsions, toutes populations confondues: vous calculerez la part occupée par les Roms dans les chiffres du ministère.
Des chiffres, encore, en voulez-vous ? En revoilà, cités par Eric Besson qui, lors de sa rencontre avec des ministres roumains, n’a, de leur part, « pas entendu le nombre du quart d’un demi-grief. » Le quart du nombre de quoi déjà? Vite, garçon, un demi ! Chiffres un jour, chiffonné toujours, comme chiffonne ce sondage qui dit que 42 % de nos compatriotes seraient contre les expulsions. Il parait que c’est une bonne nouvelle. C’est, pour ma part, à en pleurer, ou à en choper la rage (vous pouvez cocher les deux cases).
D’où viendra la bonne nouvelle ? Assurément pas de la gauche dite de gouvernement, qui observe, au sujet des Roms, un tintamarresque silence, et qui par la voix de Ségo-la-folle-du-Sergent regrette « qu’on ferme les régiments, (sic !), plutôt que de repenser ces lieux d’éducation et d’encadrement des jeunes. » Caserne pour les gosses et treillis pour tout le monde ? Bayrou est classe aussi, dans son genre bien particulier : le béarniais juge ainsi que « les premières victimes de cette stigmatisation des Roms sont les gens du voyage, Français depuis des générations. » Puis de bégayer tout béat que « beaucoup de gens biens vont payer la casse. » Gens biens ? Gens Français, quoi… Finalement, n’étaient les drames humains que cette situation engendre, il serait assez poilant de voir ainsi la trouble fleur de l’élite politique, toutes échoppes confondues, embrasser les mêmes poncifs mille et une fois recuits. D’où vient, dès lors, qu’on ne rit pas ? N’est-ce pas que les brumes actuelles annoncent de prochains matins bruns ?
Frédo Ladrisse
Matin brun : roman, Franck Pavloff, 1999